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Astrolabe maghrébin, Maroc, signé à l’intérieur de la mère, ‘Dieu est son protecteur. Autorisé par le maître vertueux
Mawlây al-Hajj al-‘Arabî, Mohammed ibn al-Mufaddal ibn Ahmad ibn Kirân le fabriqué, l’année 1126 [recte 1261] de l’Hégire’
[1845 de l’ère chrétienne]. Laiton, D. 13 cm.
L’araignée marque la position de dix-neuf étoiles avec leurs noms (onze à l’intérieur de l’écliptique et huit à l’extérieur), par des
index légèrement courbés ou en forme de crochets montés sur des bases ornées de pointes d’argent (manques). Il y a un vingtième
nom d’étoile sans index correspondant.

Les étoiles en ordre d’ascension droite

β Persei (sans index) al-ghūl لوغلا
α Aurigae ‘ayyūq قويع
α Tauri dabarān ناربد
α Orionis mankib al-jawzā ازوجلا بكنم
α Canis Maioris ‘abūr روبع
α Canis Minoris al-ghumayṣā اصيمغلا
ο Ursae Maioris yad al-du[bb] [ّب]دلا دي
α Virginis al-a‘zal لزعالا
α Bootis al-rāmiḥ حمارلا
α Coronae Borealis al-fakka ةّكفلا
α Serpentis ḥayya ةّيح
α Scorpionis qalb al-‘aqrab برقعلا بلق
α Ophiuchi ḥawwā’ اّوح
α Lyrae wāqi‘ عقاو
α Aquilae al-ṭā‘ir رياطلا
ε Delphini dulfīn نيفلد
α Cygni al-ridf فدرلا
γ Capricornus dhanab al-jadī يدجلا بنذ
β Pegasi faras سرف
β Ceti dhanab qayṭūs سوطيق بنذ

Il y a quatre mudir (petites caboches pour tourner l’araignée) en laiton et un index de Capricorne (al-murî) avec ligne indicatrice centrale. L’araignée est très restreinte. Chaque signe zodiacal est nommé et divisé à cinq degrés. Le bar droit est-ouest est en ligne rompue.

Le limbe de l’instrument, fondu en une seule pièce avec le kursî (trône), est rivé au dos pour former la mère (mater). Une échelle de 360° est gravée sur le limbe : elle est divisée à deux degrés et numérotée par groupes de dix degrés en chiffres européens.
Le kursî à trois quarts de cercle est décoré d’une demi-lune à l’horizontal et porte l’étrier et l’anneau. Originalement toutes les inscriptions étaient rubriquées comme les chiffres sur le limbe. La mère ne porte que l’inscription du fabricant.

Le dos est gravé des échelles suivantes (lisant de l’extérieur vers le centre) :
Une échelle de degrés en quatre quadrants (90-0-90-0-90°) divisés à deux degrés, numérotés par groupes de dix degrés avec chiffres coufiques en abjad, et chiffres européens
Un calendrier zodiacal concentrique (0° Aries = 6 mars [valeur correcte pour l’époque dans le calendrier julien])
Un graphisme des heures inégales
Un carré des ombres doubles à six divisions numérotées en abjad.

Il y a trois tympans établis pour :
a) latitudes 31° 30’ Marrakesh et 33° Salès
b) latitudes 33° 40’ Fez et 34° Meknes
c) latitude 30° Sijilmâsa et tympan de tous les horizons

Tous les tympans (celui pour les horizons mis à part) portent les lignes pour le lever et coucher du soleil, les heures inégales et l’heure de prières ‘asr, zwal e  zuhr, gravées en-dessous de la ligne d’horizon.

L’alidade, la vis et l’écrou sont probablement d’origine

L’instrument est entièrement gravé en coufique maghrébin avec une utilisation de formes maghrébines des chiffres Indo-européens pour certaines échelles.

Provenance :
The Time Museum, Rockford (Illinois).
Christie’s South Kensington, 14 April 1988, lot 160.

Cet astrolabe attrayant, en très bon état, est intéressant pour son mélange d’écritures, témoin de l’attention européenne apportée aux objets traditionnels de l’astronomie arabo-islamique. Mohammed ibn al-Mufaddal ibn Ahmad ibn Kirân était le muwaqqit (contrôleur du temps) du zawiyya (zaoula : une mosquée associée avec le tombeau d’un saint musulman – en ce cas Moulay Abdallah Chérif, un grand maître de soufisme – et associé avec une école et un hospice), de Wazzân, (Ouezanne), au nord du Maroc à peu près à distance égale de Rabat et Fez. Une ville sainte, à la fois pour les musulmans et pour les juifs grâce au Rabin faiseur de miracles Amram ibn Diwan, Wazzân était un centre religieux et politique d’importance, en particulier à l’époque de Mohammed ibn al-Mufaddal.

De ceci nous connaissons un autre astrolabe (qui, lui aussi, utilise quelques chiffres européens) daté H.1264 [= 1847/8 ère chrétienne] actuellement
au Adler Planetarium, Chicago (voir Pingrée 33-5) et trois quarts de cercle datés de 1264 (voir Sotheby’s & Co., London, 14 March 1957, lot 153), et 1266 dans les collections privées (Brieux & Maddison). Un astrolabe non-signé dans les collections du Musée d’Histoire des Sciences d’Oxford (CCA 155 ; Gunther i, 300-301) peut aussi lui être attribué. Son travail représente la perpétuation des méthodes traditionnelles en astronomie en Maroc quand le pays, en pleine modernisation, était à la recherche de techniques scientifiques modernes européennes.

Bibliographie :
Alain Brieux & Francis Maddison, Répertoire des facteurs d’astrolabes et leurs oeuvres, (sous presse).
Christie’s South Kensington : Time Measuring Instruments from the Time Museum…, 14 April 1988,
Robert T. Gunther, The Astrolabes of the World, 2 vols Oxford 1932.
David Pingree, Eastern Astrolabes (Historic scientific Instruments of the Adler Planetarium and Astronomy Museum, ii), Chicago 209.
A. J. Turner, Astrolabes and astrolabe related devices (The Time Museum, Catalogue of the Collection 1.i), Rockford 1985, N° 11, 108-11.