PENDULE MONUMENTALE

Pendule monumentale dite à « dessin d’architecture ».
"La victoire de la Science"

Un chef d’œuvre, résultant d’une collaboration exceptionnelle de quatre maîtres parisiens de l’époque Louis XVI.
 
La caisse est en bronze finement ciselé, doré, et pour partie en à patine nuancée brun-noir. Le contre-socle est en ébène et bronze doré. Le mécanisme chemine 15 jours, avec sonnerie au passage, des heures et demies, indications pour l’heure, minutes, et secondes, quantièmes et jour de la semaine.

Le cabinet en bronze ciselé, doré et patiné est marqué à l’arrière :
OSMOND.
Le cadran est signé : "Lépine Her (...) le mot "du roy" qui a été biffé Place des Victoires".
L’émail du cadran signé "Coteau" sous le chiffre VI. Chiffres pour les heures, avec des chiffres arabes mélangés aux chiffres romains.
Le contre-socle en ébène et bronzes dorés est estampillé deux fois :
B. LIEUTAUD.

Superbe modèle réalisé vers 1789/90.

Mécanisme:
Cadran en émail blanc avec chiffres noirs pour les heures et rouges pour les minutes, le quantième, et les jours de la semaine.
Cinq aiguilles, dont une paire en bronze doré ajouré pour l’heure et les minutes, une aiguille serpentine en acier bleui pour le quantième, une aiguille en acier bleui terminée en demi-lune pour les secondes, au centre battant la demi-seconde, et enfin une aiguille en acier bleui à double tête pour les jours de la semaine. Ces derniers sont écrits deux fois en cercle où alternent les noms des jours et les symboles des planètes tutélaires qui les gouvernent.
C’est à cette fin que leur index est à double-tête, pour indiquer à la fois le jour et son symbole.

Les chiffres pour les heures emploient des chiffres arabes et romains mixtés. Cette fantaisie avait été imaginée par Jean-Antoine Lépine en 1788*.

Le mouvement rond est à deux barillets avec échappement à chevilles, monté sur la platine arrière, comme la roue de compte.
Suspension à ressort, balancier simple (postérieur), enfin la sonnerie sur timbre.

La caisse :
Elle est le modèle le plus achevé, réalisé à partir du dessin de Robert Osmond daté de 1775 et se trouvant parmi quatre autres à la Bibliothèque doucet à Paris (Ref. vie 15 Rês.)
Le dessin numéro 110 est à l’origine de cette pendule mais ce modèle sera décliné, pour arriver au nôtre.

Il en existe quatre types :
A)Le modèle, sans les putti mais avec l'amortissement représentant le couronnement de la Science, livré à Versailles par Lépine le 28 décembre 1778, pour l'appartement de Madame Royale, dans l'aile des Princes.
B) Le modèle réduit aux deux putti, se trouvant dans les collections du Musée Jacquemart-André, au sommet du cartonnier de Joseph Baumhauer.
C) Un des deux derniers modèles (A et B) mais avec contre-socle en marbre blanc simple, certains étant sans socle.
D) Le modèle avec les putti et l'amortissement du couronnement de la Science pour lequel est réalisé un contre-socle en placage et bronze par un ébéniste spécialiste des caisses d'horloges.

Ces modèles eurent un succès considérable, à la cour particulièrement. Osmond travaillera avec de nombreux horlogers renommés pour réaliser un grand nombre de modèles plus ou moins fournis en décor.
Au Château de Versailles, on trouve trois pendules représentant la version complète, dont deux sont signées Lépine.

La pendule que nous présentons est la plus élaborée dans ce modèle. Son mouvement à quantième, son cadran par Coteau et la patine nuancée noire et brune des deux putti, au centre d’un décor tout en bronze doré en font une rareté.
Notre pendule, de par sa taille et son poids (36 kilos), n’est plus à usage de cartonnier mais, destinée à une importante cheminée.

Enfin, la conception et l’exécution du contre-socle par Lieutaud ajoute à la somptuosité. Sa construction est remarquable, en ebène plaqué sur chêne avec cinq entrelacs ornés de culots d’acanthes en bronze à ciselure parfaite, comme les six pieds "toupie" en bronze bretté à dorure mat et brillant.

Le génie ailé couronnant une jeune fille, traçant un croquis représentant la Science, est un thème très prisé à la Cour de Louis XVI et auprès de la noblesse française, d'autant qu'il domine une pendule enfermant un mécanisme à plusieurs complications. La guirlande de fleurs et de fruits qui souligne le cadran est d’une ciselure parfaite.

Le cadran présente une nouveauté inventée par Lépine : les chiffres arabes sont mélangés aux chiffres romains. Cette touche de modernité, permet de dater précisément sa réalisation en 1788*.
Le curieux espace entre le mot abrégé "Horloger" et l’adresse est certainement dû à l’effacement hâtif de dernière minute de la mention "du Roy" durant, ou après, les évènements d’octobre**. La porte arrière est en laiton ajouré et doré.

Hauteur : 55 cm
Largeur : 56,3 cm
Profondeur du contre-socle : 15,7 cm

Eléments biographiques:
Robert Osmond (1711-1789).
Reçu Maître Fondeur-Ciseleur le 17 juillet 1746.
Juré de sa corporation en 1756.
Son fils Jean-Baptiste, maître en 1746 (à l'âge de 22 ans), le rejoint en 1753. Robert arrête toute activité vers 1775. C'est donc Jean-Baptiste qui poursuit.

Jean-Antoine Lépine (1720-1814)
Horloger du roi en 1762.
Établi rue aux Fossés Saint-Germain l'Auxerrois de1781 à 1787.

Jean-Claude Raguet (1753-1810) travaille dans son atelier et devient son gendre.

Tous deux s’associent en 1783 et Lépine lui cède son affaire en 1784. En 1789, la maison s'établit Place des Victoires mais toujours sous le seul nom de Lépine.
.

Joseph Coteau (1740-1812)
Né à Genève, il devient maître émailleur de l'Académie Saint-Luc en 1766. Il arrive à Paris en 1778 et s'installe rue Poupée.


Balthazar Lieutaud (1720-1780)
Reçu maître le 20 mars 1749, il se spécialise dans la réalisation de boîtes d’horloges et de socles de pendules.


Remarquable par sa conception et par son état de conservation, notre pendule est un document historique. On peut effectivement retracer les étapes de sa réalisation:
Baltazar Lieutaud étant décédé en 1780, cette pendule a donc dû être commandée un peu avant, peut-être en 1778 ou 1779.
Certes, la veuve Lieutaud a maintenu l'activité de l’atelier jusqu’en 1785, mais la poursuite de cette activité ne concernait vraisemblablement que le mobilier.

La caisse en bronze a été exécutée par Jean-Baptiste Osmond d’après le dessin de son père. Elle est confiée à Lépine pour être munie d’un mouvement et de son cadran.
C’est donc en 1788 que commande est passée à Coteau pour le cadran. Il exécute les chiffres mixtes arabes-romains inventés par Lépine.

Ce cadran est appliqué à un mouvement qui devait déjà se trouver dans l’atelier de Lépine: le ressort est en effet daté "8bre 1774"***. ce qui emprouve la date d'exécution.

L’ensemble a dû être achevé et livré en 1789/90, après les événements d’octobre de 1789, ce qui explique que le terme "du Roy" ait été biffé.


Du plus pur style Louis XVI par ses éléments de décor néo-classique, la Révolution française marque cet objet.
A ce jour, l'identité du prestigieux commanditaire reste inconnue. Il est toutefois probable que ce dernier soit un jour découvert. Il faut rappeler qu’un très grand nombre de meubles et objets furent livrés à la cour et aux princes jusqu’en 1791.

Etat de conservation
La caisse, sa dorure et la patine brune sont en excellent état de conservation, sans rayures ni usures. Le cadran et les aiguilles sont en parfait état (très légère oxydation partielle de l’acier).
Le mouvement est en parfait état, sans changement.
Seuls sont cassés : le ressort du barillet pour la sonnerie, une dent du barillet et une autre de son pignon. En revanche, il faut noter que le balancier est postérieur.

Experts: Patrick de Buttet et Anthony Turner


Bibliographie:

- Nicolas Sainte Fare Carnot, Le Mobilier Français du Musée Jacquemart-André (Editions Faton), 2006, pages 144 à 147.
- Pierre Kjelberg, Encyclopédie de la pendule Française, (Editions de l'amateur), Paris 1997, pages 177 à 242
- Elke Niehüser, Die französiche Bronzeuhr : eine Typologie der Figurlichen darsteblungen, (Callwey) Munich 1997, pages 207 et 208. (Edition anglaise, Atglen 1999, pages. 205, 206).
- Hans Ottomeyer P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, 2 vols, Munich 1986, pages 228-229.
- Tardy, Les plus belles pendules françaises (Editions Tardy), 1994, page 115
- Pierre Verlet, Les Bronzes dorés Français du XVIIIème siècle, (Editions Picard), Paris 1987, page 117 (modèle très proche pour la caisse, mais sans les complications mécaniques).

Bibliographie

Pour Lépine :

- Jean-Dominique Augarde, Les ouvriers du temps : la pendule à Paris de Louis XIV à Napoléon Ier, (Antiquorum publications), Genève 1996, page 354.
- Adolphe Chapiro, Jean-Antoine Lépine, horloger (1720-1814), Paris (Les éditions de l’amateur), 1988.
-Adolphe Chapiro, L’œuvre de Jean-Antoine Lépine, horloger (1720-1814), Paris (Anacaha : publication hors série), 2001.


* Ces chiffres mixtes sont également utilisés sur des montres (celles avec les numéros compris entre 5 771 à 5 852).

** Une pendule des maréchaux par Lépine a subi le même sort ( Beaussant Lefèvre, 15 décembre 2008 (lot N°.13).

*** Nous remercions Philippe Prutner pour sa collaboration.

A fine and large mantel clock known as ‘Architectural design’ or the ‘Victory of the sciences’, fruit of an exceptional collaboration between four Paris masters at the end of the reign of Louis XVI.